A partir de quand peut-on se dire « écrivain » ? Suffit-il pour cela d’écrire seul dans son coin ? Le Larousse ne tranche pas, puisqu’il indique « écrivain/écrivaine = personne qui compose des ouvrages littéraires ; homme/femme de lettres ». Et si on publie ses romans, combien faut-il en publier pour se sentir légitime ? (coucou, le syndrome de l’imposteur !)
Claude Michelet préférait aux termes d’auteur ou d’écrivain le mot « écriveur ». Pour lui, cela rimait avec « agriculteur », son premier métier ; pour moi, avec « professeur »… tout se tient !
Ecriveur, planteur de mots, raconteur d’histoires à la limite… mais écrivain, ouh là ! Quoi ? Comme Flaubert, Sarraute, Hugo, Yourcenar ? Quelle pression ! Comment s’autoriser un titre tel que celui-ci après tant d’illustres prédécesseurs ?
Et puis, enfin, surtout : comment oser écrire, si ce n’est pour s’indigner, défendre ses idées, se battre pour la paix, les droits humains, les nobles causes, bref, s’engager ? N’y a-t-il pas quelque chose d’indécent à continuer à raconter ses petites histoires de gens ordinaires, quand tant de choses plus graves, plus importantes, ont besoin d’être dites ?
Pour tenter de répondre à toutes ces questions, je me suis arrêtée un moment d’écrire ici ; j’ai fait silence, j’ai observé, j’ai lu. Je me suis alors rendu compte que notre monde est le règne de la parole : un peu partout dans les médias, sur les réseaux, les opinions se croisent, s’entrechoquent. Que vaut mon avis parmi tout cela ? Pourquoi ajouter du bruit au bruit ?
Mais si ce n’est pas pour m’engager, pourquoi écrire ?
J’écris…
… pour faire taire les pensées incessantes,
pour donner vie aux personnages qui habitent dans ma tête,
pour fixer comme sur une photographie les instantanés du quotidien,
pour donner à voir la beauté de l’anodin partout où je la perçois,
pour arrêter le temps qui passe,
pour faire de chacun un héros le temps d’une lecture,
pour offrir des mots à poser sur les émotions,
pour ressentir la neige en été et le sable chaud en hiver,
pour voyager immobile,
pour rêver à d’autres vies mais toujours revenir à la mienne,
pour aimer les gens qui passent et le leur dire sur le papier,
pour me sentir humaine et tracer, d’un fil sur la page, léger comme une plume, le lien qui m’unit à tous ceux qui vivent comme moi sur ce caillou qu’on appelle Terre.
Je ne sais pas si ce chemin dans l’écriture est ambitieux, orgueilleux, utopique.
Mais j’ai drôlement envie que vous fassiez partie du voyage !