J’ai dans mon jardin un bougainvillier (on dit aussi une bougainvillée, c’est une plante féministe) rescapé du jardin d’un ami. Il mesurait environ deux mètres de haut (la plante, pas l’ami) et donnait des fleurs rosées à profusion. Quand nous l’avions arraché à sa terre, il n’avait presque aucune racine malgré son ampleur. J’ai tout de même essayé de le sauver, en espérant contre toute logique qu’il se sente suffisamment bien chez moi pour avoir envie de survivre et de refleurir. Cet été, j’ai vu apparaître une feuille timide, puis deux, puis des tiges se sont élancées vers le ciel avec détermination, et voilà désormais qu’il commence à coloniser l’espace que je lui avais alloué.
C’était inespéré et je m’interrogeais sur ce petit miracle quand, hier matin, j’ai surpris Ziggy, la chatte de la maison, allongée aux pieds de l’arbuste. Ce matin, rebelote. Elle qui n’allait que très rarement dans ce coin là, voilà qu’elle y passe des heures, collée au tronc, enlaçant la plante de ses pattes avant. Drôle d’attitude du chat, drôle de résurrection du bougainvillier.
Bien sûr, un pragmatique pourrait dire que l’arrosage régulier rend la terre plus fraîche à cet endroit, ou plus moelleuse. Ou bien que l’été finissant, le soleil modifie légèrement sa course et que le félin s’adapte à son nouveau trajet en changeant de lieu de sieste. Il y a sans doute plein de raisons pour que Ziggy ait élu cet endroit pour s’y étendre.
Mais je préfère croire… croire que la bête a senti le besoin de la plante moribonde et a choisi de lui transmettre une de ses neuf vies ; croire qu’elles ont passé un pacte – tu m’offres ta vigueur, je t’offrirai mon ombre – et que la ronronnante s’acquitte de sa tâche avec application ; croire que c’est la présence de l’animal qui donne la force à l’arbre de pousser.
Parce que cette magie là est tout de même mille fois plus poétique, non ?