Un jour, je vous expliquerai pourquoi Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand est la plus belle pièce jamais écrite (si si) (ça ne souffre aucune contradiction). Une des raisons de mon amour inconditionnel pour cette pièce est le fait que, quel que soit l’état d’esprit dans lequel on se trouve, à n’importe quel moment de sa vie, il y a toujours un vers qui nous touche droit au coeur (à la fin de l’envoi…)
Ainsi, ce passage, que j’ai relu récemment avec émotion sur le profil de Jean-Joseph Julaud :
Cyrano –
Les feuilles !
Roxane, levant la tête, et regardant au loin, dans les allées –
Elles sont d’un blond vénitien.
Regardez-les tomber.
Cyrano –
Comme elles tombent bien !
Dans ce trajet si court de la branche à la terre,
Comme elles savent mettre une beauté dernière,
Et malgré leur terreur de pourrir sur le sol,
Veulent que cette chute ait la grâce d’un vol !
***
Tout est dit. La mélancolie de l’automne, l’angoisse de l’existence qui étreint le coeur, l’espoir fou d’échapper à la mort, la liberté infinie de créer la beauté jusque dans la douleur, l’acceptation élégante de sa condition d’éphémère créature…
Chaque automne, c’est la même chose, je meurs en dedans ; les êtres chers partis trop tôt et trop loin crient en moi leur absence ; ceux qui restent me semblent happés par les tentacules du temps qui passe et chaque moment m’échappe tandis que je voudrais le retenir. Alors je m’efforce au moins, comme les feuilles, de colorer ma vie, de faire jaillir le plus de beauté possible au quotidien, avant le long désert froid de l’hiver.
Mais cette année, quelque chose de différent a surgi : une lumière, par transparence, sous la feuille rouge de ma mélancolie. L’espoir – non, la certitude de la renaissance qui se prépare, dans la douceur de l’obscurité qui gagne.
Et si l’hiver n’était finalement que matrice ?