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Une enfance au milieu des livres

Quand j’étais petite, je voulais être lectrice. Il faut dire que, du plus loin que je me souvienne, j’ai eu un livre dans les mains.
Ma mère m’a appris à lire avant que j’aie quatre ans. Depuis, je pense que pas un seul jour n’est passé sans que je trouve le temps de lire au moins quelques pages.
À la maison, pas un mur sans une bibliothèque. Cela a le double avantage de ne pas avoir à changer le papier peint trop fréquemment, et d’insonoriser parfaitement une pièce ! J’ai donc passé ma jeunesse à piocher dans cette réserve quasi inépuisable et lire à peu près tout ce qui passait à ma portée. Parfois, je visais trop haut, et j’abandonnais au bout de quelques chapitres. Mais j’ai toujours retrouvé ces livres plusieurs années après, comme des nourritures que je pouvais alors mieux apprécier.

Mon enfance et mon adolescence ont été accompagnées par des centaines de romans. Jamais je n’ai eu une minute d’ennui. J’ai voyagé en imagination, vécu des aventures extraordinaires, vibré pour des histoires d’amour incroyables… Les livres ont toujours été – et sont toujours – des amis fidèles, des refuges quand le quotidien devient difficile.
Ils sont ma respiration.

L'envie de transmettre

La vie réelle pousse à être raisonnable. J’ai abandonné mes rêves de devenir « lectrice » (surtout quand j’ai appris que le métier existait, mais qu’il consistait à lire des tonnes de manuscrits pour les maisons d’édition, donc de ne pas pouvoir choisir ce qu’on lisait…).
Mes études – littéraires, forcément ! – m’ont fait découvrir l’envers des récits, un peu comme si au théâtre, après la magie de la représentation, on avait la possibilité d’explorer les coulisses et leur machinerie, de comprendre comment l’illusion de la vie pouvait naître sur scène. Décortiquer les textes, jouer avec les mots, apprivoiser leur pouvoir et faire découvrir tout cela à d’autres : ma voie était tracée, ce serait l’enseignement.

J’ai vite compris que les collégiens et lycéens que j’accueillais dans ma classe avait déjà forgé leur identité de lecteur – ou plus souvent, de « non-lecteurs ».
Pas d’illusion : je n’ai pas été celle qui leur a fait découvrir la joie de lire. Parfois, un roman choisi en touchait un ou deux, captait leur attention, les étonnait en leur faisant découvrir un plaisir nouveau. Mais ce n’était que quelques éclats, bien éphémères.
Pourtant, j’espère avoir ouvert des portes et transmis un peu de cet amour des mots qui m’anime… dur métier parfois que l’enseignement où on sème des graines sans jamais pouvoir constater l’épanouissement de la plante. Nous ne sommes que des jardiniers de passage…

Poser mes histoires sur le papier

À l’aube de mes quarante ans, je me suis dit que si je ne faisais rien, tous ces récits que j’avais dans la tête et dans le coeur n’auraient aucune chance d’être lus. Alors j’ai retroussé mes manches, profité des moments calmes du soir où les enfants, couchés, ne me sollicitaient plus, et j’ai écrit mon premier roman.

J’avais eu la chance de rencontrer Claude Michelet pendant mes études, puisque mon mémoire de maîtrise portait sur les femmes dans ses romans. C’est sur ses conseils et avec ses encouragements inconditionnels que j’ai osé envoyer mon manuscrit à des maisons d’éditions. Quelques refus et un jour, un coup de téléphone : j’entendais pour la première fois la voix chaude de Clarisse Enaudeau, devenue depuis mon éditrice.

Désormais, je n’écris plus seulement la nuit. J’ai publié ce premier roman, un deuxième, un troisième… Je dois souvent expliquer que j’ai une homonyme qui écrit des romans érotiques (véridique !) mais que non, mes romans ne sont pas vraiment dans ce registre là. J’essaie surtout de continuer à faire de mon mieux pour être, non pas « écrivain » mais « écriveur » comme disait Claude Michelet. Un humble conteur, un passeur de mots.