Cette semaine, Junior n° 1 est en voyage scolaire. La maison est calme, c’est fou !
Junior n° 2, 13 années au compteur, en profite pour faire sa petite vie, libéré du regard permanent de son frère sur lui.
Pas facile, les rôles dans une fratrie. L’aîné sera toujours celui qui a débarqué dans la famille comme un petit roi : le premier petit-fils, le premier bébé. Avec le deuxième, ça y est, on a l’habitude. Il y a moins de surprises. On gère les imprévus avec plus de décontraction, on ne s’angoisse plus à la moindre toux, on se dit que si on a su faire avec le premier alors ça devrait aller avec le second. Résultat, chez nous en tout cas, le deuxième est plus cool, moins anxieux. Habitué à partager le temps et l’attention, il nous sollicite moins, il semble moins dépendant de nous.
Je ne sais pas ce qui est le mieux : arriver le premier et essuyer les plâtres ? Ou arriver en deuxième et devoir composer avec l’entité familiale qui s’est créée avant notre arrivée ? Au lieu de prendre toute la place, prendre la place qui reste ?
On a beau essayer d’être équitable, il faut reconnaître qu’en tant que parent, on est comme un oiseau qui vient nourrir sa nichée : on balance l’asticot dans le bec de celui qui gueule le plus fort, on se laisse happer par celui qui réclame…
Alors des semaines comme ça où soudain, toute la place est à lui, ça rétablit l’équilibre. Ça donne un aperçu des jours pas si lointains où le grand sera toute la semaine dans son logement étudiant à l’autre bout de la France, et où on aura la possibilité d’accorder toute notre attention à Junior n° 2.
C’est d’autant plus agréable que nos Juniors sont deux bêtes complètement différentes. Numéro 2, par exemple, n’a pas adopté le mode flaque caractéristique de son âge. Au contraire, tout en tonus et en jeunes muscles, il passe son temps en mouvement. Il sautille dans la maison comme un lutin, ne s’assied jamais droit, mais toujours un pied en l’air, glisse d’une pièce à l’autre comme du vif-argent.
Il apprivoise sa voix en pleine mutation, et a la bonne grâce de sourire quand on s’en moque un peu. Il est fier de constater qu’il me dépasse (en même temps, ce n’est pas difficile) et me donne chaque semaine ou presque des fringues devenues trop petites pour lui.
Il aime jouer, et aime aussi la musique et la lecture, dont il parle avec moi. Mais à ma grande détresse, il ne renonce pas pour autant au besoin de me faire comprendre l’intérêt de ses jeux vidéo. Il se lance ainsi dans de grandes explications remplies de mots bizarres, que je ponctue de « ah ? » et de « oh ! » sans pour autant comprendre grand-chose à ce qu’il me raconte.
Il hausse les épaules quand on lui demande s’il a une idée de métier : « je ne sais pas » est devenu sa réponse type. Si on creuse un peu, il avoue l’envie d’être écrivain, « mais avec un autre métier à côté parce que je sais bien qu’on n’en vit pas ». Merci mon fils, j’aimerais tant te prouver le contraire !
Il aime venir me raconter des blagues, il aime rire, il ne tient pas en place, est capable de jacasser même en randonnée pendant toute la durée de la balade. Mais quand il est au karaté ou au piano, il devient bloc de concentration, sourcils froncés et bouche close, tout entier contenu dans son geste ou ses doigts, rassemblé et précis.
Il a eu longtemps des amis imaginaires, et il a gardé cette connexion magique avec son monde intérieur. Cette sensibilité, il la met dans des actes quotidiens de pure gentillesse que même les râleries adolescentes n’entravent pas.
Bref, c’est Junior n° 2, et cette semaine, il est Junior tout court. Je peux prendre le temps d’observer en lui l’adulte qui se construit. Et cet adulte, à mon avis, sera un type bien.
J’aime, que dire de plus. J’aime votre famille, les liens qui vous unissent, qui nous unissent. Hâte de vous retrouver . Bisous
💟