Le week-end dernier, nous avons fait un petit week-end en famille à Rognonas, (j’aime bien ce nom, c’est rigolo à prononcer.), près d’Avignon. Un peu de tourisme, et pour finir, un détour par les Saintes-Maries pour un restaurant le lundi, avant que chacun ne regagne ses pénates.
Plongée en Camargue… sur notre route, des oiseaux partout. Flamands perchés sur leur unique patte dans les étendues d’eau, grandes aigrettes immobiles dans les marais. Soudain, au-dessus de la voiture, passe un vol étrange : oiseaux sombres au long cou, bec recourbé… des Ibis falcinelles. (non, je ne suis pas devenue subitement ornithologue, j’ai cherché, Google est mon ami…). On croise ensuite une spatule, une cigogne prend son vol juste à côté de la route…
Il n’y a pas grand monde, nous ne sommes pas encore en pleine saison, et nous traversons ces paysages avec émerveillement. On passe le long des manades : partout, des taureaux noirs et des chevaux blancs. Ils forment contraste sur ces étendues où on ne distingue parfois pas le ciel de l’eau. Je retrouve les lumières du très beau film avec Fernandel : Heureux qui comme Ulysse. Il y campe un homme qui veut sauver son ami, un vieux cheval, de la corrida. Il marche avec lui jusqu’en Camargue pour l’y remettre en liberté. (Qui a vu ce film ? il m’a fait pleurer, plus jeune, et je suis sûre d’être encore émue aux larmes en le revoyant. Allez, c’est cadeau : la musique du film par le grand Georges.) L’histoire est émouvante, et la Camargue est un personnage à part entière du récit.
Pas étonnant : on est ici transporté dans un autre monde. À quelques centaines de mètres, des gardians chevauchent, cowboys modernes en chemises et chapeaux. Nous sommes hors du temps.
Mon mari et moi avons la conscience aiguë de la dégradation de notre environnement. L’éco-anxiété nous guette parfois, quand on se rend compte que nos deux fils vont devoir affronter des difficultés dont nous avons été préservés.
À nous l’insouciance, dans notre jeunesse, et la croyance que la Nature était indestructible, que les insectes et les oiseaux qui accompagnaient notre enfance seraient là pour toujours.
À eux les animaux dont la survie est menacée, les mers polluées et les haies vides de chants de rossignol.
Comme tout le monde, je fais ce que je peux pour enrayer le processus, mais ce n’est pas assez. Petit à petit, je dois admettre que mon monde s’efface et que le leur sera plus aride, plus inondé, plus chaud, moins peuplé d’espèces vivantes et nécessaires à la vie.
Mais ce week-end, en parcourant ces paysages intacts, en contemplant un groupe de chevaux galoper dans des gerbes d’eau, en voyant passer au-dessus de nos têtes rapaces, ibis et aigrettes, j’ai moins de peine. J’ai espoir qu’on pourra trouver en nous l’envie folle de défendre cette beauté. L’espoir que l’Homme peut apprendre à contempler un peu plus, et à détruire un peu moins.