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La daronne

Je suis une daronne.

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est mon fiston, quand il a vu la coque de mon portable. Une coque rabattable, “pour protéger l’écran”… une coque de daronne.

J’admets.

Je suis une daronne quand je prends ma Kangoo – j’ai troqué ma Twingo de nénette contre une voiture familiale, si ce n’est pas un signe, ça aussi – et me tape 25 kilomètres à deux heures du mat, pour aller récupérer grand Junior dans un village perdu du var où il fait une soirée avec ses potes.

Je suis une daronne quand je danse comme une dingue sur un tube disco, pensant être seule dans mon salon, et que j’entends une voix venir de l’escalier, disant “oh la gênance”. Junior n’aime pas ma musique. C’est bon signe.

Je mets des vêtements de daronne : je me suis surprise l’autre jour à reposer un vêtement sur un portant en boutique, en pensant qu’il “faisait trop jeune pour moi”. Mes jeans sont plus confortables, mes t-shirts moins moulants, mes talons moins hauts.

Mes fantasmes aussi ont vieilli : les acteurs de moins de quarante ans ne me font pas vibrer, mais je ronronne devant des quinquas aux tempes grisonnantes. Aucune envie de jouer les cougar, non non, les acteurs que j’aimais ont vieilli avec moi et ça me convient bien comme ça !

Je suis une daronne quand je répète, à chaque fois que mes ados quittent la maison “tu as pris tes clés” alors que je sais bien qu’elles sont toujours dans leur sac.

Je prononce des phrases de daronne comme “c’est pas Versailles ici”, en éteignant les lampes qu’ils ont laissé allumées, ou encore “vous ne pouvez pas aller au bout des choses !” quand ils ont tout rangé après leur petit-déjeuner mais laissé trois miettes sur le plan de travail. Et quand je dis “tu veux bien me parler sur un autre ton”, je me dis que là, c’est fini, je suis devenue ma mère.

Je suis une daronne parce que je dis “ok” pour une sortie, pour avoir l’air cool, mais que je vérifie ma montre cinquante fois quand on approche de l’heure fixée pour le retour. Pour ensuite prendre l’air détaché quand il rentre, posant juste la question : “c’était bien ?” et en m’interdisant de l’assaillir de questions (avec qui tu étais ? qu’est-ce que tu as fait ? qu’est-ce que tu as mangé ?)

Je suis une daronne quand après les cours, chacun vient me raconter toutes ses petites histoires. Ou que grand Junior commence une phrase par “Dis, quand tu avais mon âge… “. Ou que petit Junior refuse, pour rire, de me faire un bisou avant d’aller se coucher mais finit en râlant par accepter le câlin que je lui impose.

Je suis vraiment une daronne depuis quelque temps, parce que quand j’entends “maman”, je ne me retourne plus pour voir qui on appelle. Je sais que c’est moi. Et j’adore ça.

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