« Maman, je peux aller au parc avec les copains ?
– Oui, mais je vous accompagne. »
Ils embarquent le ballon, j’embarque le petit frère que j’impose en quatrième équipier. Pour une fois, ça les arrange de l’avoir « dans les pattes », ils pourront faire deux équipes. Pour m’occuper, je prends dans mon sac mon manuscrit en cours de relecture, un crayon, mes lunettes.
Les doudounes sont empilées à distances égales, savamment mesurées de part et d’autre du terrain improvisé, par grandes enjambées de leurs corps de treize ans.
Quatre enfants, quatre tailles, une voix qui mue d’un côté, des rondeurs enfantines dans les joues d’un autre. Des membres longilignes et maladroits, des chahuts de petits biquets qui testent leurs cornes neuves.
Je m’assieds à l’écart, sous l’arbre centenaire au milieu du jardin, autour duquel s’enroule un banc de bois à la courbure douce. Je dispose mon travail, j’ai le crayon en mains, mais mon regard s’éloigne vers les enfants qui courent. Je lève les yeux, la frondaison majestueuse abrite ma rêverie.
Ils rient.
Je suis bien.
Plus tard, quand ils reviennent vers moi, je replie mon papier, range mon crayon inutile. Je n’ai fait aucune correction, je n’ai rien relu, j’ai juste regardé la page de vie en train de s’écrire.