Chut !

Chut ! ça commence ! Vous le sentez, vous aussi ? Ce je-ne-sais-quoi dans l’air ? Voyez-vous cette lumière dorée, qui n’ose plus, déjà, briller de tous ses feux ? Elle rase les murs, semble s’excuser d’être encore si intense. La nuit vient plus vite, le jour arrive plus lentement. Les plantes, qui grâce aux pluies récentes se croyaient au printemps et refleurissaient, sentent maintenant qu’il est temps de dormir. Certaines jettent leurs dernières forces dans un chatoiement de couleurs ; d’autres se replient, discrètes. 

Ça tient à rien du tout … un frisson plus fréquent et une pensée fugace – tiens, j’aurais dû prendre un pull – effacée aussitôt par l’arrivée du soleil … un recul le matin quand on ouvre la porte, le mot « frisquet » prononcé plus souvent … une odeur de fumée qui plane, feu de bois dans une cheminée ou un jardin … une envie subite de ranger la maison, de ressortir les plaids … les chats qui s’attardent plus longtemps sur les lits et regardent, dédaigneux, l’extérieur …

Je ne sais pas si tout le monde est sensible de la même manière aux passages des saisons. Moi c’est comme si toutes mes fibres se préparaient à un long hiver (alors que je vis dans le Sud, où on met le chauffage à peine trois mois par an !). Je suis une caricature, un cas d’école de dépression saisonnière : je bois du thé toute la journée, j’écoute du jazz en boucle, je stocke des provisions comme les écureuils (sauf que j’empile les paquets de chocolat à côté des noisettes), je niche mes pieds dans des chaussettes en laine bouclée et ressort mon gilet informe-mais-confortable pour les soirées télé… 

Ensuite viendra Noël, la préparation des fêtes et le renouveau. Mais d’ici là, chut ! l’automne arrive, à pas feutrés. Il s’agit de l’accueillir dignement.