Lancée dans une grande entreprise de rangement, j’avais chipé l’enceinte portable de mon fils pour mener ma tâche dans une ambiance musicale. Magie des logiciels intelligents, je me suis vu suggérer une nouvelle écoute de l’album de la famille Chedid. Le père – Louis – et les enfants – Matthieu, Joseph et Anna – se donnent la réplique dans un album délicat, aux chansons pudiques, simples et gracieuses.
Il faut dire qu’ils ont de qui tenir, les Chedid : la grand-mère Andrée avait quelques compétences en matière de littérature…
De fil en aiguille, me voici en train de découvrir le répertoire de Louis. Sans doute moins iconoclaste que Matthieu, alias M, il aime lui aussi jouer avec les mots comme avec des balles de jonglage. La mélodie s’élève, légère, s’envole, effleure les choses graves de la vie sans en faire un drame et retombe dans la main, apprivoisée. C’est joli sans prétention, ça danse en dedans en se jouant de la gravité.
Difficile de dire pourquoi ça me touche à ce point. Peut-être parce que dans notre monde où tout doit être immédiat, où la nuance est bannie de beaucoup de lieux, où on est sommé de se positionner pour ou contre un camp, la musique nous rappelle que tout est nuance, au contraire.
Il y a la même élégance dans les poèmes et romans de la grand-mère, dans les chansons populaires du père et dans les expérimentations plus folles du fils. Ces écritures de mots et de notes nous apprennent qu’on peut dire des choses profondes sans y mettre de poids.
Ils accomplissent surtout ce que je cherche sans cesse à faire : trouver le mot juste, oser dire sans appuyer, suggérer pour laisser la place à celui qui écoute de remplir les creux. Le sens se construit alors ensemble : chacun y met un bout de lui-même.
