La belle écriture

Calligraphie : vient de κάλλος (kállos, « beau ») et γραφεĩν (grapheîn, « écrire »), soit « la belle écriture ». 

Se redresser, ouvrir les épaules vers l’arrière comme on détendrait ses ailes, poser les pieds à plat, respirer. 

Soulever le porte plume et, d’un geste léger, tremper dans l’encrier ; ni trop loin, ni trop haut, la plume doit s’immerger sans se noyer. 

En la remontant, essuyer au passage sur le bord la goutte en trop qui risquerait de faire un pâté sur la feuille. 

Poser ensuite la plume sur le papier brouillon, appuyer une fois, deux, pour ne pas charger de trop d’encre nos premiers traits. 

Respirer.

Frôler la feuille, porte-plume presque en suspens dans les doigts détendus et laisser glisser. Ne pas trop réfléchir, le geste lent et sûr. S’interrompre souvent en suivant le ductus, l’ordre qui dirige le tracé de la lettre. Lever à peine la plume, le temps de visualiser la lettre suivante puis simplement repasser sur ce que notre imagination a écrit en transparence sur le papier. 

Respirer, toujours. 

Au bout de quelques mots, revenir à l’encrier, rectifier sa posture, laisser le souffle se diffuser dans le corps, ne faire plus qu’un avec les courbes qui, une à une, se lient et zèbrent la feuille blanche. 

Se sentir entourée de la concentration des autres scribes, se croire un instant moine copiste au fond d’un scriptorium embrumé par la fumée des bougies, s’enfoncer dans un silence presque religieux. 

Puis échanger une plaisanterie, se frôler en fouinant dans l’atelier à la recherche d’une autre encre ou d’un support plus grand, admirer ce que font les autres élèves, partager un café. 

Et ressortir apaisée, le pas léger comme la plume qui court.