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Over the rainbow

Quiconque était fan de la série « Urgences » se souvient de la mort d’un des personnages principaux, le docteur Marc Green. Il choisit, se sachant atteint d’une tumeur incurable, d’aller passer ses derniers jours dans une maison en bord de mer. Allongé dans une lumière jaune comme celle d’un matin de printemps, il sait sa fin toute proche. Sa fille lui place des écouteurs sur les oreilles, et lui fait entendre la chanson « somewhere over the rainbow » interprétée par Israel « IZ » Kamakawiwo’ole. C’est au son léger de l’ukulele que le personnage s’éteint, dans une scène poignante et douce. 

J’y ai repensé l’autre jour, en discutant avec mon frangin. La conversation portait sur la difficulté à avoir des souvenirs parfaitement joyeux. Chaque moment de bonheur est pour nous teinté de mélancolie : des nuances qui rendent la photo intérieure moins brillante, ou qui l’assombrissent. Vous allez me dire : bonjour la déprime ! Mais non, certains moments ne sont que pure joie, ils sont préservés comme tels dans la mémoire. Mais ils sont aussi recouverts du voile du temps écoulé et la joie en devient douce-amère. Le passé est plein de fantômes et de rêves avortés. Pas d’amours sans séparations. Pas de succès sans échecs. Pas de choix sans renoncements. Pas d’engagements sans trahisons. Pas de don de soi sans déchirement. Deux faces d’une même pièce. 

Un ami me demandait récemment ce que je brûlerais en moi si j’avais le choix et la possibilité de le faire. Brûlerais-je cette manière de percevoir les émotions en cinquante nuances de gris, jamais en noir et blanc ? Mettrais-je en tas chagrin, hontes, remords, désirs inassouvis, pour en faire un autodafé et ne garder que la lumière ? Effacerais-je de mon âme l’empreinte de ce mélange entre larmes et rires pour ne garder que la plénitude du bonheur satisfait ? 

L’ukulele sautille et le personnage ferme les yeux. La voix d’IZ rythme le pas de la mort qui approche. C’est triste et c’est doux. C’est beau et douloureux. On pleure mais on ne détournerait les yeux pour rien au monde et on est, au fond, content d’avoir assisté à cela, d’être allé au bout de l’histoire malgré sa fin tragique.

L’arc-en-ciel ne se forme que s’il pleut dans le soleil. 

Alors non, je ne brûlerai rien de cette mélancolie : je veux des arcs-en-ciel dans mon coeur.  

1 commentaire pour “Over the rainbow”

  1. Magnifique texte ❤️ Tellement bien dit/ écrit ❤️ J’aime particulièrement le passage « Mais ils sont aussi recouverts du voile du temps écoulé…deux faces d’une même pièce »
    « Le voile du temps écoulé » c’est tellement bien dit ❤️❤️
    Ça me parle tellement…
    Moi non plus je ne brûlerai rien 🙂
    Bravo Anne pour tout ce que tu écris, si bien ❤️

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