J’entre là, la porte se ferme et les bruits de la ville s’estompent. La lumière est douce, les murs ornés de fleurs et de branchages. Je dépose mon manteau, m’enroule dans un peignoir dont il vient délicatement resserrer la ceinture autour de ma taille, avant de me faire asseoir.
– Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ?
Sous ses doigts qui soulèvent les mèches et évaluent leur état, mes cheveux ne bronchent pas. Ils ont trouvé leur maître et aucun épi n’a osé aujourd’hui se dresser sur mon crâne. On discute un instant. J’ai envie d’un peu de changement aujourd’hui. A bas les longueurs, je suis d’humeur garçonne. Il remarque mes nouvelles lunettes, m’affirme qu’il faut dégager les yeux, les mettre en valeur, et d’un geste, m’invite à prendre place « au bac ».
Le fauteuil est confortable, la serviette enveloppante sur mes épaules. L’eau est délicieusement chaude. Il ne demande pas si la température est bonne – question à laquelle on répond toujours oui, qu’elle soit froide ou brûlante !. Pas besoin : il a testé avant de diriger le jet sur ma tête, il sait ce qui me convient.
Je m’endormirais presque, bercée par la musique qui s’échappe des enceintes de part et d’autre de la pièce. Dans la bonne odeur de shampoing, le massage doux semble extraire de ma tête les pensées parasites, ne laissant que le plaisir de l’instant : bien-être absolu.
Puis ce sont les ciseaux qui glissent sur les mèches mouillées – clic clic clic. Au fur et à mesure, mon dos se redresse, ma nuque se libère, ma vision s’éclaircit. Je change de tête, je change d’état d’esprit. On papote tranquillement, on échange les nouvelles, on blague. Nos paroles s’interrompent à cause du ronflement du sèche-cheveux.
Enfin les dernières touches : il effile, enlève de l’épaisseur. Des deux mains en caresse, il fait bouffer l’ensemble et mes cheveux domptés prennent leur place comme par magie. Il replace soigneusement les lunettes sur mon nez et je découvre mon visage. Il me sourit, dans le miroir.
Commence alors la danse finale : le balai tournicote, les pieds vont et viennent, et les cheveux rassemblés sont promptement évacués du sol qu’ils jonchaient.
Je promets de repasser dans quinze jours pour qu’il me rafraîchisse la frange, il me transmet des bises pour toute la famille : des enfants à la grand-mère, en passant par le mari et la belle-soeur. Comme un médecin de famille, il est devenu le confident de tous.
J’ouvre la porte, je respire, régénérée. Je suis prête à replonger dans la journée, des mèches en moins et de l’énergie en plus.