Bon, j’avoue, je suis une mère-à-chats. Je sais, je sais, on tombe carrément dans le cliché de l’écrivain qui s’entoure de félins aux noms aussi étranges que Belaud, Micetto ou Kiki la Doucette (pour info, les familiers de Du Bellay, Chateaubriand et Colette, rien que ça). Mon premier chat s’appelait Prozac – ce qui ne m’a pas évité la dépression. Mon deuxième se nommait Napoléon – mais je n’ai heureusement développé aucun désir de conquête. Les deux nouveaux sont Zorro et Ziggy, et je m’étonne toujours que de si petites bêtes puissent prendre autant de place dans une maison…
Mon mari n’ayant pas la vocation de devenir portier pour chat, une chatière a été installée. Ça n’empêche pas les deux bestioles de continuer à nous prendre pour leurs domestiques personnels, en miaulant à la porte-fenêtre pour qu’on vienne leur ouvrir… pour aussitôt se détourner de l’ouverture et repartir vers le jardin. Je les soupçonne de venir vérifier à intervalles réguliers qu’on reste bien à notre poste, à leur disposition.
Rendus indépendants par la possibilité d’entrer et de sortir à leur guise, ils vagabondent dans le jardin commun de notre copropriété et passent de maison en maison. Connus de tous nos voisins, ils sont partout chez eux. Zorro, qui a la reconnaissance du ventre, ne reste toutefois jamais loin de la gamelle et consent à nous remercier de nos bons soins par quelques séances de câlins ronronnants. Ziggy est plus fugueuse et il arrive que son absence prolongée me provoque quelques inquiétudes. Me voilà donc parfois dehors, tard le soir, une tasse de croquettes à la main, arpentant la résidence en lançant des appels réguliers, à base de « Ziggy ! ma princesse ! ma doucette ! pss pss pss ! ». Vous constaterez que je n’ai aucune dignité en la matière et que la peur du ridicule ne m’étouffe pas… Un soulagement absurde m’envahit dès que j’entends son miaulement aigü et que son ombre se détache des ombres végétales, pour courir vers moi.
Pour expliquer mon attachement sans doute disproportionné pour cette créature capricieuse et, il faut l’avouer, un peu snob, j’ai une théorie. Je pense que j’ai aussi des gènes de chat. (Je n’ai jamais dit que mon hypothèse était scientifiquement rigoureuse…)
La meilleure preuve de la validité de ma théorie – outre un amour commun pour le lait, les siestes et la propreté – c’est que, comme elle, j’aime la nuit. C’est de famille, ma mère m’a souvent dit qu’elle n’avait pas peur du noir : s’il cache des dangers, on peut aussi s’y camoufler, s’y rendre invisible. Je n’ai ainsi jamais eu peur (sinon quand j’étais enfant, mais je ne m’en rappelle plus) de marcher dans les rues, la nuit, sûre d’être fondue dans l’ombre et abritée par elle.
Nuit complexe, pleine de sons, d’odeurs qu’on ne perçoit pas en journée. Nouveau monde qui s’offre, plus subtil, plus ambigü, plus secret. Marcher la nuit c’est être privilégié.
Je déteste le réflexe de ceux qui allument leur portable en lampe de poche, rendant les côtés plus sombres par contraste et dissipant tout le mystère. J’aime aller à tâtons, exercer mon regard à capter la moindre parcelle de lumière pour assurer mon pas.
J’aime aussi écrire la nuit, en écoutant la maison qui dort. Aller boire un verre d’eau sans allumer et voir les meubles familiers prendre des formes étranges, la lune qui fait entrer le reflet d’une branche mouvante, les repères habituels disparaître.
Comme un chat dans la nuit, je parcours mon territoire, silencieuse. Puis je reviens dans le halo de ma lampe et le cliquetis des touches du clavier accompagne les heures qui s’écoulent, jusqu’à ce que le sommeil m’appelle.
Hello Anne
Quel ravissement de découvrir ton travail d’auteur, tes mots m’ont donné des frissons, m’ont fait rire.
Et ton clin d’œil à Dialogue de bêtes… 👍👍👍
De mon côté j’avance aussi…
D’ailleurs merci pour ton retour sur mes illustrations ça fait plaisir ☺
Hâte de lire ton prochain livre et qui sait, d’en dessiner la couv !
A + !