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Soudain, l’hiver.

L’avantage de venir d’une grande famille, c’est qu’on a toute une tripotée de cousins, cousines, oncles et tantes. Et forcément, tout un tas d’occasions de fêter un anniversaire – depuis que les cousins se sont mis à faire eux-mêmes des enfants, on a un peu perdu le compte d’ailleurs, il faudrait un agenda dédié pour n’oublier aucune date !

C’est ainsi que le week-end dernier ma mère et moi prenons la route pour aller célébrer les 81 ans de mon tonton, qui a récemment migré en Savoie avec sa femme. Cinq heures de voyage et 10 degrés de moins plus tard, nous voici chez eux. Peu de projets pour ces quatre jours : marcher, cuisiner, tisser. Oui car la famille, c’est aussi une histoire de transmission, et ma mère est venue pour montrer à ma tante le fonctionnement du métier à tisser qu’elle lui cède. Tandis qu’elle explique les calculs savants nécessaires au montage de la chaîne (l’ensemble des fils tendus sur le métier, vous pouvez lire sur ce blog mon article déjà consacré à cette activité), je suis missionnée pour enrouler des pelotes sur des navettes, puis compter un nombre impressionnant de fils qu’il faut ensuite passer un à un dans les aiguilles. 

On s’attarderait volontiers dans cette mezzanine de bois, penchées sur notre ouvrage, dans le calme feutré de la lampe. Mais si la contemplation n’est pas dédaignée, l’activité physique prime toujours sur tout pour la plupart des membres de la famille (je doute parfois de partager les mêmes gènes, tant je me contenterais bien d’un coussin et d’un plaid, des heures durant)(je crois que je dois être humaine-croisée chat…). Une montagne à gravir, et les jambes démangent ; une menace de pluie, et on court après les derniers rayons de soleil qui se cachent sous les nuages ; la marée qui baisse, et on en profite pour aller déambuler sur le sable. 

Nous voilà donc parties, pour une petite marche en forêt. Un croisement, et on choisit d’aller un peu plus loin. Puis de faire la boucle parce que finalement, on se sent en forme, l’air est frais et revigorant, la montagne lumineuse. Nous grimpons sur le tapis de feuilles plaquées au sol par la pluie récente. Soudain, au tournant du sentier, l’hiver. Comme un cadeau, une surprise, les pentes enneigées brillent sous le soleil qui choisit ce moment pour percer. Les bruits s’étouffent dans le coton blanc. Les pas crissent sur la poudreuse, on s’enfonce un peu. Du lichen perce de temps en temps la neige : on en ramasse quelques poignées pour décorer la crèche. Les yeux sont presque saturés de lumière. Pas un chat, pas un bruit sinon le vent dans les arbres qui s’ébrouent. Arrivées en haut d’une pente, on sort un thermos, des gobelets ; on trempe un biscuit aux amandes dans le café brûlant. Ma tante s’exclame : « on est bien, là ! ». 

En rentrant il fait faim. On remet du bois dans le poêle qui ronfle aussitôt. On sort du pain et du fromage, on ira au jardin tout à l’heure chercher un chou pour la potée du soir. Ça sentira la saucisse et le petit salé. Sous la table, on remuera ses orteils nichés dans de grosses chaussettes. Puis on s’attardera au salon, près du feu qui s’endort, en se faisant découvrir des airs de musique, en échangeant des plaisanteries. Par instants, le silence s’installera. Les regards se perdront, on s’enfoncera un peu plus dans les fauteuils, sans penser à rien, le souffle relié à celui des autres.

Tempo de la marche, tempo de l’ouvrage, tempo du repos : tout s’accorde et s’harmonise dans l’affection partagée. On sera bien, là. La nature en hiver et le coeur au chaud. 

1 commentaire pour “Soudain, l’hiver.”

  1. Beaucoup de charme donné à la montagne à travers ces quelques lignes.
    Une vie riche de nature et authentique des montagnards .

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