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Garder le cap

On dit que Victor Hugo, à Guernesey, écrivait debout, dans une pièce tout en haut de la maison, face à la mer. Gustave Flaubert, lui, avait son « gueuloir » où il lisait à voix haute ses textes pour en mesurer la qualité. 

N’étant ni Gustave, ni Victor, je dispose d’un lieu d’écriture plus humble : un bureau, face à la fenêtre, avec vue sur l’olivier et les fauvettes à tête noire qui l’ont investi. 

L’écriture est un drôle de processus. Chaque écrivain a sa méthode, ses habitudes, sa manière de se mettre en condition. Jusqu’ici accaparée par mon métier d’enseignante, je n’avais jamais eu l’occasion de trouver ma façon de faire : j’écrivais quand je pouvais, le soir, la nuit, le week-end, à l’heure où j’avais enfin du temps disponible. 

Avec le nanowrimo (sorte de marathon de l’écriture qui se court chaque année en novembre), j’expérimente l’écriture quotidienne. Et je constate avec surprise que, moi qui me croyais du soir, je suis capable d’écrire aussi dès le matin. Je découvre que le jazz en bruit de fond m’aide à me focaliser sur mon texte, alors que toute autre musique (de Rammstein à Mozart, c’est dire !) parasite ma concentration. Je m’aperçois qu’on peut écrire sur commande et que, comme une machine qui chauffe, après quelques longues minutes laborieuses où chaque phrase paraît pauvre et plate, les doigts tapent plus vite, les rouages du cerveau s’enclenchent, et les mots coulent avec fluidité, remplissant page après page. 

Ce phénomène est assez jouissif, je dois dire. Peu importe le résultat, l’acte d’écrire en lui-même devient alors un vrai plaisir. Le simple fait d’avoir permis à ses personnages de vivre quelques pages de plus donne un sentiment d’accomplissement que je ne retrouve que rarement dans d’autres activités. Bizarrement, le seul autre souvenir que j’ai de cette sensation me ramène à des heures de navigation, lorsqu’on se retrouve seule à la barre, seule sur le pont, le vent dans le visage et le bateau vibrant sous son corps et jusqu’au bout de ses doigts, comme un animal dompté. 

Je ne sais pas encore où me mènera mon bateau de mots, mais je tiens bon la barre et fixe mon regard sur mon cap.

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