La maison de ma mère forme le coin d’une rue et ses fenêtres sont ornées de volets verts. L’autre jour, alors que la lumière de fin d’après-midi lançait ses derniers rayons dans la rue, j’ai pris soin en partant de rabaisser le taquet de métal, pour repousser les volets. L’opération est en effet pénible quand on doit se contorsionner de l’intérieur, tendre le dos et les bras pour aller attraper le lourd montant de bois, le décoincer et le tirer à soi.
M’est revenu alors le souvenir de ma grand-mère. Je revois son visage souriant ennuagé de cheveux blancs surgir par la fenêtre ouverte tandis que je partais, pour me demander : « tu me rabats mes volets ? ». Ce qui concluait mes visites était donc, à chaque fois, cette phrase et le geste qui l’accompagnait : une dernière caresse tendre sur le dos de la main, ou un dernier baiser envoyé du bout des doigts. Puis, je finissais de rabattre le deuxième volet contre le premier, ma grand-mère s’effaçait dans la chaleur de sa maison, j’entendais la fenêtre se fermer. Je pouvais alors m’éloigner et je me sentais soudain joyeuse d’avoir su, par ce geste simple, préserver ma mamie du monde extérieur et permettre à sa solitude fragile d’être en sécurité dans son cocon.
Je crois que c’est dans ces moments là qu’on commence à grandir, quand on pressent qu’un jour, nos protectrices deviendront nos protégées…