Isa la belle, Isa mon amie, Isa mon amazone
Ton visage aux joues tendres de poupée russe, tes lèvres rouges et tes grands yeux
Ton sourire qui rayonne
Sous tes turbans
Sous tes couronnes de henné peintes sur ton crâne nu
Je n’ai pas subi avec toi le séisme de l’annonce
Je n’ai pas vu tes pleurs et tes peurs les nuits de découragement
Je n’ai pas subi dans mon corps tes déchirures intimes
J’étais si loin de toi mais si près pourtant
Car n’est-ce pas ce qui lie toutes les femmes ?
Cette communauté du ventre
Cette sororité lunaire et sanglante
Ce regard dans le miroir qui voit par delà la peau le battement de la vie
Alors oui, même tard, même après
J’étais là
Quand tes yeux ont perçu l’anormale forme sur tes formes
Quand tu attendais dans les couloirs des hôpitaux
Quand le médecin, sans doute, a penché la tête d’un air désolé
Quand tu as dû attendre dans une de ces blouses ridicules
Quand tu as eu froid sur la table d’opération
Quand tes veines et tes bras étaient percés de tuyaux
Quand le poison salvateur déferlait en toi
Quand les nausées
Quand la fatigue
Quand les cheveux
Quand tu as dû renoncer peu à peu à celle que tu étais
et ne serais jamais plus
J’étais là
J’étais là aussi
Chaque jour gagné
A chaque coup porté
A ta renaissance
A l’apprivoisement de ta nouvelle enveloppe
J’étais là car tu m’as confié
Ces jours de pluie et de terreur
Tu m’as montré tes cicatrices
Les vraies, inscrites, balafres gravées sur ton corps de reine
Les autres, cachées, sous le maquillage et le sourire vaillant
Comme un cadeau j’ai recueilli tes mots
Et je veux en t’offrant les miens
Célébrer ta lutte
Rien n’a changé et tout à la fois
Conscience de notre corps précieux
De notre corps diamant si fragile
Et de ta force
Ma guerrière
Ma combattante
Ma victorieuse