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Julie

Chère Julie, 

Je t’écris aujourd’hui pour que tout le monde sache. Des histoires comme la tienne, il y en a presque 60 000 par an, en France. C’est l’histoire d’une femme parmi tant d’autres, mais elle est  unique pour moi puisque cette femme est mon amie. 

On avait prévu un week-end entre filles, amies de lycée. Ça devait faire plus de vingt ans qu’on ne s’était pas revues. Soudain, en plein milieu de l’organisation de ces retrouvailles, on reçoit un mail de toi. « Je ne pourrai pas être là, je sortirai d’opération. Comme Isa, le crabe m’a attaquée. »

Arrêt. Stupeur. Chagrin. Rage. Colère. Inquiétude. Maelstrom d’émotions. Et l’impuissance, qui touche tous ceux d’à-côté, les sains, les bien-portants, ceux qui ne peuvent rien faire d’autre que dire « bon courage ». J’ai lu récemment que ça pouvait agacer les malades quand on leur dit ça. Peut-on en effet parler de courage, comme s’ils allaient au combat, comme s’ils l’avaient choisi ? On ne choisit pas la maladie, elle vous tombe dessus ! 

Tu n’as pas choisi la tumeur dans ton sein. Tu n’as pas choisi l’opération qui te l’a enlevé. Tu n’as pas choisi les traitements. Mais ce jour là, quand avec les filles on t’a dit « si tu veux, on vient quand même », tu as choisi de dire oui. Tu as choisi de te régaler avec nous de ces gâteaux qu’on avait achetés spécialement chez un grand pâtissier parisien. Tu as choisi de rire, de parler de tout y compris de la maladie, sans chichis, sans pathos, sans fard et sans jouer les guerrières. Ton corps endolori était niché contre notre amitié. 

Cet après-midi là, tout était plus fragile, tout était plus précieux, tout était plus vivant. 

Un groupe virtuel s’est ensuite créé pour te soutenir ; sans se connaître, tous ceux qui t’aimaient ont couru pour toi, trinqué à ta santé, posté des photos de flamands et de tous les objets les plus kitchs et les plus roses qu’on puisse trouver. On a inondé le groupe d’images, de rires, de mecs musclés torses nus (parce que ça aide à penser à autre chose qu’à la chimio…) et de pensées. 

On ne pouvait rien faire d’autre, mais on l’a fait du mieux qu’on a pu. Tu ne pouvais rien faire d’autre que de te soigner, mais tu l’as fait du mieux que tu as pu. 

Tu as témoigné dans une émission télé, tu as câliné tes garçons, tu t’es réjouie le jour où tu as repris le boulot, le jour où tu as pu reprendre le sport. Tu t’es reconstruite, pas à pas. 

Et, comme Isa, tu as accepté de me livrer les moments les plus intimes de ton chemin pour que je les mette dans mon roman, « Pour quelques bulles de bonheur ». Mon travail est de porter humblement les histoires des autres. Bien sûr, je modifie les noms, je change des traits de caractère, je compose un personnage à partir de plusieurs personnes de ma connaissance ou en agrémentant le tout d’un soupçon d’imagination. 

Mais j’écris aujourd’hui pour que tout le monde sache. Sache que mon personnage de battante, mon amazone, celle qui combat le crabe avec le plus grand des courages, n’existerait pas sans ton histoire à toi. 

Alors pour ta confiance, ma Ju, merci. Et à bientôt, pour d’autres retrouvailles où nous fêterons ta renaissance. 

Anne

4 commentaires sur “Julie”

  1. Oooh Anne ! Comment te dire ? Je suis bouleversée de te lire, j’y retrouve bien sûr le chagrin, mais aussi, surtout, la lumière indicible de l’amitié tendre, simple et forte qui dépasse la douleur et impulse l’espoir et le courage.
    Merci, Anne. Julie a puisé sa force auprès des belles personnes qu’elle a croisées. Tu en es, au tout premier plan.
    Je t’embrasse, avec émotion et tendresse.

    1. Merci Cécile pour ces mots, si forts et si beaux. Ils me touchent profondément.
      Je n’imagine pas comme le coeur d’une maman peut être aussi blessé de voir son enfant atteint. Mes mots à moi sont peu de choses par rapport à ça, mais si l’émotion que je cherche à faire passer peut inciter toutes les femmes à prendre soin d’elles, alors j’ai atteint mon but.
      Que dire de plus ? ah si ! que l’amitié va dans les deux sens : j’ai aussi puisé ma force en Julie et en son parcours… on est quittes ! 🙂

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