Aller au contenu
Accueil » Articles » La vie est un théâtre

La vie est un théâtre

Il y a celui qui sifflote des airs désuets en circulant dans son jardin. Une radio crachotante l’accompagne. Il est toujours un ton au-dessus ou en dessous, et jamais dans le tempo.

Il y a celui qui promène son bichon, dans une posture tout hugolienne : seul, le dos courbé, les mains croisées, et la moustache aussi blanche que le poil de sa bestiole.

Il y a celle dont le chien jappe toute la journée quand elle n’est pas là, mais qui vous affirme que “non non non, il n’aboie que quand je pars, après il se tait”.

Il y a ceux qui déambulent à petits pas deux fois par jour ; elle est tombée cet été et avance désormais de manière précautionneuse ; lui vient de commencer son deuxième combat avec le crabe et affronte l’adversaire à coup de promenades bonnes pour le moral.

Il y a celle qui crie sur son gosse, menace, hurle, tempête… et dont le gamin rit en n’obéissant qu’une fois sur dix. C’est la même qui obtient enfin gain de cause quand au milieu des cris elle lâche : “tu vas voir dès que papa rentre”.

Il y a celle qui s’arrête dix minutes près de ta clôture pour te demander quelles sont ces plantes, là, qui font de si jolies fleurs, et qui est ravie que tu lui amènes des boutures.

Il y a ce couple qui, tous les matins à 11 h 30 tapantes, vient boire un café sur le devant de sa maison. La table et les deux chaises sont à poste juste derrière le portail, et chaque jour les amoureux retraités prennent vingt minutes pour partager un p’tit caoua et un moment. Au printemps et en été, la pause est remplacée par l’apéro avec le voisin d’à côté : le grillage mitoyen est bas, et la bouteille de pastis passe d’un côté à l’autre.

Il y a la voisine qu’on apercevait le lundi avec un dogue, le mardi avec un bâtard, le mercredi avec un labrador, et sur laquelle on s’interrogeait, jusqu’à ce qu’on apprenne qu’elle était “promeneuse de chiens.”

Il y a l’apprenti boulanger qui a pris l’habitude de rapporter les invendus et de les distribuer sans rien dire en les déposant sur les murets des habitations autour de chez lui.

Il y a les voisins à horaires : ceux du petit matin qu’on voit passer, aller, retour la baguette dans la main ; ceux du midi qui papotent avec le facteur ; ceux de 16 h 30 avec ou sans poussette, qui garent la voiture en vitesse et repartent à pied avant de revenir, la main bien serrée autour de celle de leur minot ; ceux du soir, les salariés qui rentrent tard, et ceux de la nuit qui partent travailler avant le réveil des autres.

Il y a les voisins à jour fixe : le cycliste du dimanche en tenue moulante ; la grand-mère du mercredi qui fait le taxi pour emmener ses petits enfants à la danse, au judo, et les aide pour les devoirs ; les papis-mamies du week-end dont l’allée de garage se remplit de voitures et le jardin de cris d’enfants ; la télétravailleuse du jeudi – c’est la même qui crie sur son fils, mais le jeudi, c’est calme ; le jardinier du samedi qui alterne entre souffleuse à feuilles et tondeuse et forme un duo harmonieux avec le bricoleur trois maisons plus loin, pour un concerto en scie sauteuse, perceuse et disqueuse.

Il y a le toujours-pressé, la toujours-souriante, le gentil-bougon, le bavard-cordial, l’élégant-discret, l’adorable-cagole, la pétillante-sportive et le rigolard-bruyant.

Et puis il y a moi, spectatrice de tout ce petit monde, participante occasionnelle.
La pièce dans laquelle nous jouons chacun notre rôle ? « Les Voisins », bien sûr ! 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *