Mon coup de coeur du jour est un coup de coeur partagé sans doute par bon nombre d’entre vous. Si je vous dis « l’oncle Jules », « Lili des Bellons », « grotte du Grosibou » ?
Vous avez bien sûr reconnu les livres autobiographiques de Pagnol.
Mi novembre, j’ai eu l’occasion de découvrir « en vrai » les lieux de ces récits, en allant marcher vers Tête rouge, sur le Taoumé, dans ce magnifique massif du Garlaban. L’air y est imprégné des mots du petit Marcel, qui semblent flotter dans l’air, au-dessus des sentiers qui s’enfoncent dans une garrigue sans trace humaine ou presque.
Longtemps, les mots qui concluent « le château de ma mère » m’ont accompagnée, je dirais presque hantée, tant ils me paraissaient justes :
« Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins. »
Ce récit d’enfance, c’est la mélancolie même : l’insouciance de l’âge d’or, à jamais enfoncée dans les limbes du passé. On garde en soi la nostalgie de ce temps où on ne savait pas encore que la joie est éphémère et la vie fragile, et il n’est pas possible de désapprendre ce que la vie se charge de vous enseigner.
Mais en discutant avec les autres marcheurs, puis quelques jours plus tard en faisant découvrir à mes fils le film si frais d’Yves Robert, avec la musique inoubliable de Vladimir Cosma (pour le plaisir, à retrouver ici : https://www.youtube.com/watch?v=9SFAqcgsDMk), je me suis rendu compte que ce qui faisait la force de ces textes, c’est qu’ils sont un condensé de vie, justement. Une parenthèse enchantée avant l’apparition de ces souffrances qui nous font devenir trop vite adultes, des moments de soleil avant la nuit de la grande guerre et des deuils, des joies intenses vécues avec tout le corps. Quand on lit ces livres, des mots au parfum de thym, vibrant comme le chant des cigales, se plantent en nous et y laissent une trace profonde, joyeuse. La poésie de ces phrases à l’accent chantant perdure en nous et je ne comprends que maintenant, près de 35 ans après les avoir lues pour la première fois, que Pagnol a réussi ce que la vie n’arrive pas à faire : faire durer pour toujours l’insouciance de l’enfance.
Alors, mon vieux Marcel, toi l’adulte mélancolique qui intervient sans cesse dans le livre, en regardant le petit bonhomme que tu étais avec tant de tendresse, tu me pardonneras de reprendre et de modifier tes mots :
« Telle est la vie des hommes. Quelques joies, inoubliables, que les chagrins qui passent sont impuissants à ternir… »