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C’est le temps…

J’ai une théorie : je crois que dans la vie, il y a trois sortes de temps. Le temps de l’amour, le temps des copains et… ah non, ça c’est dans la chanson. Trois types de temps, donc, disais je : le temps de l’action, le temps de la réaction et le temps de l’attente.

Un exemple ? Pour faire un bébé, le temps de l’action c’est… et bien, pas besoin de vous faire un dessin, non ? Le temps de la réaction, c’est le moment où vous voyez apparaître les deux barres sur le test de grossesse par exemple. Et le temps de l’attente, ce sont les 9 mois qui suivent.

Toutes les mamans le savent : il est long, ce temps ! Il a beau être rempli de tous les préparatifs possibles et imaginables, il y a toujours un moment où on se retrouve avachie sur le canapé, avec l’impression qu’on n’arrivera jamais à se relever, où on contemple le ballon qui nous sert de ventre et où on se dit que vraiment, on aimerait bien que ça se termine ! Et puis non, ça dure encore un peu… temps incompressible, nécessaire pour se préparer à faire connaissance avec notre ancien locataire, et à découvrir enfin son visage. On a l’impression qu’il ne s’y passe rien, dans ce temps de l’attente. Pourtant le corps le clame, parfois des années plus tard : il s’en est passé des trucs ! Le temps de l’attente nous a changé, profondément, physiquement et mentalement.

Quel rapport avec la photo, me direz vous ? J’y viens.
Nous sommes entrés depuis début décembre dans la période de l’Avent (pas de faute d’orthographe, c’est la même racine que “avènement”. Il se trouve que l’avent est avant Noël, ce qui est cohérent puisque les chrétiens y attendent la venue du Christ, mais ce qui n’est pas très facile pour éviter de confondre les deux graphies) (c’était la minute maître Capelo) (si tu as compris la référence qui précède, tu es officiellement vieux).
Pour les croyants, on attend Jésus. Pour les autres, le père Noël. Et dans beaucoup de pays dans le monde, on attend surtout que les bombes et autres calamités arrêtent de nous tomber sur la tête, mais on n’a pas besoin d’une période spéciale pour ça.

C’est frustrant, d’attendre. Les enfants le savent bien, qui trépignent d’excitation à cette période de l’année. Ils comptent les jours et on a beau leur donner un calendrier avec des chocolats pour les faire patienter, ça ne fonctionne pas vraiment.
Il faut dire qu’on aimerait parfois, avant un événement très attendu, accélérer le temps. Comme en voiture, au début d’un long trajet, on aimerait abolir l’espace et, le temps d’un clignement d’yeux, se trouver devant chez nous, 800 km plus loin.

A quoi rime donc ce temps vide, pendant lequel la seule action possible consiste à ne rien faire ?
Ah si, pardon : on peut remplir ce temps de petites choses agréables : se procurer les cadeaux qu’on offrira, suggérer discrètement ceux qu’on aimerait recevoir. Décorer la maison. Décider que cette année, on fera un sapin écolo, et passer plusieurs heures d’énervement – MAIS NON JE NE M’ÉNERVE PAS TU VOIS BIEN QUE JE SUIS CALME – pour fabriquer un truc bancal qui ne ressemble pas du tout à la photo instagram qui nous a servi de modèle, mais être quand même très fier de sa création. Acheter des cartes de Noël, se dire qu’on en enverra à tout le monde ; au bout de trois ou quatre, perdre l’inspiration et décider que finalement, ce sera déjà très bien d’en envoyer à ses oncles et tantes et qu’on verra plus tard pour les autres. Faire des paquets cadeaux. Prévoir le repas. Donner un peu plus que d’habitude aux associations.

Mais tout de même, il reste encore des heures vides. Des heures qu’il faut laisser défiler, sans chercher à les combler. Des moments semblables à ceux pendant lesquels on attend le bus ou le médecin. Des instants creux, inoccupés, vacants.
Et si, dans ces moments, on faisait attention à ne pas s’emparer aussitôt de son portable, de ses écouteurs, pour s’enfermer dans sa bulle ? Si le temps de l’Avent, c’était celui où on accepte la venue de l’imprévu, de la surprise, de l’autre ? Si on prenait le temps, ce temps là justement, pour croiser le regard de quelqu’un, pour adresser quelques mots supplémentaires à la personne qui nous sert derrière la caisse, pour observer et s’amuser d’une scène insolite dans la rue ? Un temps de disponibilité, d’accueil ?

Si on jouait un peu à être des enfants ? On dirait qu’on ferait une pause dans notre vie d’adulte, et qu’on jouerait à attendre… Mais vraiment, à attendre de toutes ses forces, pleinement, attendre pour que le plaisir puisse prendre toute la place qu’on lui aura ainsi dégagée. Alors les moments qu’on vivra, à la fin de l’attente, n’en seront que plus précieux, plus intenses.

On dirait alors qu’on ferait du temps qui attend, un temps qui espère…
(le premier qui trouve la chanson à laquelle je fais référence dans cette dernière phrase gagne trois minutes supplémentaires d’attente à savourer).

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