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Totor, t’es trop fort !

Nous voilà de retour avec notre héros, Gilliatt. Nous l’avions laissé au précédent épisode prêt à s’embarquer dans un sauvetage irréalisable : celui de la Durande, dont l’épave est coincée sur un écueil presque inaccessible, au large de l’île de Guernesey. Il faut dire que notre bougre est motivé : en récompense pour son exploit, on lui a promis la main de Déruchette, la femme qu’il aime. 

Le voici près des rochers où le bateau à vapeur est comme suspendu. La machine, intacte, mais lourde, semble impossible à extraire de cette coque de fer et de bois. Mais Gilliatt ne se laisse pas abattre : il trouve un abri pour son propre navire, des anfractuosités pour ses provisions et son matériel et zou ! le voilà au travail. 

Au début, tout se passe bien : il fait beau, la tâche est rude, mais ça ne fait pas peur à ce travailleur de la mer. Entre les deux Douvres, nom donné à ces rocs hauts de plusieurs mètres, Gilliatt grimpe, se suspend, découpe, cloue, construit même une petite forge dans un trou de l’écueil. Il récupère tout ce qu’il peut sur l’épave qu’il démembre, terminant ainsi le travail de la tempête qui l’a jetée là. 

Les jours passent et Gilliatt vient à manquer de nourriture. En explorant, à marée basse, les rochers environnants, il découvre une caverne étrange. Immergée quand le flot la remplit, elle est close de toute part et comme éclairée par en dessous. 

 Les moires du flot, réverbérées au plafond, s’y décomposaient et s’y recomposaient sans fin, élargissant et rétrécissant leurs mailles d’or avec un mouvement de danse mystérieuse.

(Victor Hugo, les travailleurs de la mer)

Une aura inquiétante se dégage de cet endroit, magnifique et effrayant. La mer y palpite comme un cœur qui bat et l’onde, limpide, y lèche une pierre qui forme une sorte d’autel. Il semble presque qu’une divinité vient à peine d’en plonger, et habite encore les lieux de sa présence. Soudain, alors qu’il contemple, songeur, ce lieu étonnant, une silhouette sombre glisse au fond de l’eau et disparaît dans un creux de rocher. 

Mais Gilliatt n’a « pas le temps d’être curieux », son labeur l’attend. Il se remet au travail pendant des jours, trouve des solutions incroyables à tous ses problèmes et réussit à extraire la machine et à la fixer sur son propre bateau. Ses vêtements sont en loques, il a maigri, sa barbe est hirsute et la fièvre le ronge, mais il a gagné ce premier combat. 

Il ne sait pas encore que deux autres l’attendent, tout aussi terribles… Il s’écroule, sa besogne faite, pour un long sommeil épuisé. 

Tout orage est précédé d’un murmure. Il y a derrière l’horizon le chuchotement préalable des ouragans.

(Victor Hugo, ibid.)

C’est ce murmure que Gilliatt entend, au réveil. Le dialogue des trombes d’eau et de tous les vents du globe, prêts à se ruer sur lui. Le calme se fait, la mer est étale, mais cet apaisement trompeur n’en rend que plus redoutable la tempête qui se prépare. La Nature va jeter toutes ses forces pour empêcher Gilliatt de lui arracher sa proie. Cavalerie d’apocalypse, les bourrasques rient par avance du chaos qu’ils vont créer. En bon marin, Gilliatt sait ce qu’il en est : s’il part, il est perdu ; s’il reste, il devra braver cette horde. 

Alors il se prépare. Avec le bois qui lui reste, il installe des brise-lames. Il travaille vite, chaque minute compte. Soudain, un bruit annonce l’ouragan qui approche : les vents se sont alliés et veulent en découdre. 

D’un côté, cette légion. De l’autre, Gilliatt. 

(Victor Hugo, ibid.)

L’affrontement est homérique : il dure près de vingt heures. Rugissements, coups portés par l’eau et l’air, foudre, éclairs, tonnerres, débordements, engloutissements… Quiconque a déjà marché en bord de mer lors d’une tempête peut avoir une petite idée de la lutte qui se joue. Gilliatt a manqué mourir plusieurs fois, emporté par les vagues. Il est trempé, écorché. Mais la machine est intacte, il a gagné. Aussi brusquement qu’elle a déferlé sur lui, la pluie s’arrête, la nuée se troue, le ciel redevient bleu. Gilliatt s’écroule de fatigue. Il se croit sauvé. Mais l’est-il vraiment ? Quel autre ennemi l’attend dans ces eaux profondes ? 

Pour le savoir, ne manquez pas la suite de notre feuilleton « Totor, j’adore ! »

2 commentaires sur “Totor, t’es trop fort !”

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